Un amour de jeunesse, du rire, du rire et encore du rire

Résumé

À vingt ans, Antoine sans un sou en poche, s’est marié avec Maryse… Mais elle l’a quitté du jour au lendemain pour des missions humanitaires en Afrique. Trente ans plus tard, Antoine a fait fortune dans l’internet et vit avec Diane, une romancière d’origine aristocratique. Seul souci, il a complètement oublié Maryse, qui revient d’Afrique pour divorcer… Et qui pourrait à cette occasion lui réclamer la moitié de son patrimoine. Antoine se lance alors dans un mensonge insensé : faire croire à Maryse qu’il est encore plus pauvre qu’elle… Et le pire c’est que ça pourrait marcher.

Critique

Actuellement se joue au Théâtre de la Renaissance, la pièce Un Amour de jeunesse d’Yvan Calbérac. Cette comédie raconte l’histoire d’un nouveau riche qui doit redevenir pauvre pour rester riche. Le pitch est génial. Quand l’argent s’invite dans les histoires d’amour, le ménage a trois volent vite en éclat.Cette comédie est un modèle du genre, dans la lignée de celles de Francis Veber. J’ai cru repérer un hommage à La Cage aux Folles dans la pièce. L’intrigue plantée, les personnages n’ont pas d’autres choix que de s’en sortir par le mensonge et la dissimulation. Seulement voilà, pour se sortir d’un mensonge, il en faut au moins 10. Voir plus.

L’auteur ne tombe pas dans les pièges de la facilité de scénario. Il a l’intelligence de créer des situations qui font rire et réfléchir. Sommes-nous fidèles à nos rêves et à nos convictions ? Est-ce que tout s’achète ?

Stéphane de Groodt, chaplinesque

Les personnages sont portés par des comédiens au diapason. Chaque rôle est double. Stéphane de Groodt montre toute l’étendu de son immense talent. Remarqué pour son habileté à jouer avec les mots, il devient clownesque à la Charlie Chaplin en y mettant du corps à l’ouvrage. Isabelle Gélinas, qui joue sa compagne dans la pièce est absolument géniale. Je l’ai découvert dans la pièce, Le Père avec le très regretté Robert Hirsch dans un autre registre, mais dans cette pièce son jeu est marqué par la drôlerie et l’intelligence. Ce duo fonctionne admirablement.

Et puis il y a les trois autres protagonistes qui gravitent. Olivia Côte, qui campe le rôle de l’amour de jeunesse, est solaire. L’actrice vue dans Scènes de ménage, joue un personnage altermondialiste, forcément vegan et adepte du poly amour (c’est comme l’infidélité mais sans la culpabilité). Sebastien Pierre en avocat caméléon qui essaye de trouver une issue à son client est épatant. La femme de ménage qui tire les ficelles, interprétée par Nelly Clara est d’une grande justesse. C’est une révélation.

Si cette pièce est réussie c’est sûrement parce que du texte où les répliques fusent, à la mise en scène en passant par le jeux des comédiens, tout y est chirurgical et précis. L’invraisemblable devient crédible. L’amour de jeunesse qui revient en boomerang peut faire craindre le pire.

A voir absolument.

Un amour de Jeunesse du mardi au samedi à 21h. Matinées samedi à 16h30.

Au Théâtre de la Renaissance, 20 Boulevard Saint-Martin, Paris 10.

Théâtre – Une femme sans préjugés

Je suis allé au théâtre du Nord-Ouest voir la pièce Une femme sans préjugés librement inspirée de la nouvelle de Tchekhov ! Je ne vais pas mettre de gants blancs pour vous dire ce que j’en ai pensé.

Cette pièce est donc une adaptation magistrale par Monique Lancel qui signe également la mise en scène. L’histoire se passe dans le Moscou de la fin du 19e. Maxime Salutov, beau jeune homme fait fondre la belle Hélène Gavrilovna quand il patine. Leur avenir semble heureux, mais un non-dit qui appartient au passé du jeune homme semble pouvoir nuire gravement à cette idylle qui s’apprête. Quelle est donc cette chose si grave ? Pourquoi n’arrive-t-il pas a se dévoiler ? Y parviendra-t-il ? Voyage dans une âme amoureuse et tourmentée.

La force du spectacle repose sur l’harmonie entre la mise en scène, la direction d’acteur et le jeu des comédiens. On oublie rapidement la simplicité du décor pour se plonger dans la pièce. Le travail de la lumière apporte une véritable ambiance à la pièce.

Les comédiens sont tous au diapason de la pièce. Dans cette pièce où le non dit est tout à la fois, le personnage principal et l’intrigue, il est mise en lumière par les nuances de leur interprétation. En clair, ça fonctionne. Rémi Picard incarne un Maxime Salutov fantasque et sombre. Il donne des couleurs à la noirceur du personnage. Il passe de l’un à l’autre avec précision ce qui est très compliqué. Il y est aidé par sa partenaire Roxanne Flochlay qui campe admirablement son pendant. Crucial pour la justesse de la pièce. L‘opposition et l‘attirance mutuelle des deux personnages donnent du relief et de la justesse à la pièce.

Dominique Vasserot et Hélène Robin forment un duo attachant et enjoué sans jamais être surjoué. Bernard Lefebvre a un jeu désarmant d’intelligence et de subtilités.

Cette pièce pose la question de la vérité en amour, du rapport à la liberté dans l’engagement. Une pièce légère et lourde. Claire et obscure tél un nocturne de Chopin où la mélancolie et le romantisme se conjuguent. Foncez-y !

Une femme sans préjugés au Théâtre du Nord-Ouest. 01h20

Avec Roxanne Flochlay, Bernard Lefebvre, Rémi Picard, Hélène Robin, Dominique Vasserot 
Adaptation et mise en scène :  Monique Lancel

13 rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris
Capacite: 90 places
Proche: Grands Boulevards

Théâtre – « 12 hommes en colère » Mon verdict !

Le procès vient de s’achever. Les 12 jurés vont devoir statuer sur la culpabilité ou l’innocence d’un jeune homme de 16 ans accusé de parricide au moyen d’un couteau à cran d’arrêt. Tout semble l’accabler. Au départ des délibérations 11 jurés sur 12 sont pour l’envoyer sur la chaise électrique. 1 seul, pourtant ne semble pas convaincu de sa culpabilité.

12 Hommes en colère – Théâtre Hébertot – Paris 17e

Ce chef d’œuvre de Reginald Rose est devenu un classique. Ce huis clos dramatique est étouffant par la lourdeur de la responsabilité qui incombe aux 12 jurés.

Cette pièce dans sa forme est une prouesse à plusieurs titres.

D’abord, il n’est jamais évident -dans une pièce relativement courte – d’identifier les 12 protagonistes. Mais chacun a une personnalité forte. Un visage de l’Amérique. Il y l’ouvrier, l’immigré un brin idéaliste qui fantasme les valeurs du pays de l’oncle Sam. Le fan de baseball qui veut vite expédier la délibération pour filer au stade. Le publicitaire dont la conviction est façonnée par la tendance. Le vieillard qui parle peu mais qui parle juste. Le financier rationnel à la pensée claire. Le père blessé et agressif. Et enfin l’architecte qui a un doute légitime qui va prendre l’office d’empêcheur de délibérer en rond.

Autre prouesse : une pièce non manichéenne. La peine de mort est un prétexte mais n’est pas le centre de la pièce. D’emblée, les jurées savent qu’ils ont la vie d’une personne entre leur main. La verdict sur la culpabilité ou l’absence de culpabilité doit être décidée à l’unanimité, ce qui accentue la tension. Ces 12 hommes si différents n’ont pas d’autre choix que de tomber d’accord. Dans la pièce dans laquelle ils sont cloîtrés -et les spectateurs avec eux- la chaleur étouffante contraste avec la froideur du verdict qu’ils doivent trouver.

Enfin, ce n’est pas le procès de la peine de mort mais d’un adolescent. Chaque juré a sa sincérité, sa conviction et ses doutes. Leur mission est de s’en tenir aux faits. La pièce est d’une étonnante actualité, à notre époque gangrenée par les fausses informations et les théories du complot.

Le message de cette pièce est que la vérité ne se décide pas simplement à l’aune de sa propre sincérité (aussi noble soit-elle) ni par sa propre interprétation mais par une recherche rigoureuse et impartiale du détail qui tue ou qui acquitte.

La mise en scène de Charles Tordjman a le mérite d’être sobre et de servir le texte. Les lumières et l’habillage sonore est malin. Le jeu des comédiens est ajusté. Ils ne cherchent ni à être plus intelligent que leurs personnages ni à les rendre plus héroïques ou plus odieux qu’ils ne le sont. Les 12 comédiens donnent la juste humanité et rendent magistralement justice à leur personnage de juré respectif.

Lettre à Michaël Hirsch

Le spectacle virtuose de Michaël Hirsch Pourquoi ? est absolument magistral. L’humoriste, envoie aussi chaque vendredi une lettre sur Europe 1. J’ai décidé de lui en envoyer une à mon tour après avoir vu son spectacle.

Cher Michaël Hirsch

Vous qui aimez les dictons, vous savez que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément. J’ai changé de paradigme ce soir en voyant votre spectacle. Car oui, vous le poète, rebelle des mots et des lettres, toujours affranchi vous vous employez à démontrer dans votre spectacle et aussi sur les ondes que grâce aux mots les non sens et les contresens se dénoncent tout aussi clairement.

Alors que nous cherchons à savoir en permanence le Pourquoi du comment, vous rappelez que c’est par le Pourquoi que tout commence.

Penser que les mots n’ont qu’un sens me laisse interdit. C’est leur enlever ce qui fait leur miel : la fantaisie.

Votre spectacle est un récit de vie. De votre vie, qui devient un peu la nôtre. C’est pas non plus une vidange. Car sur scène tout est partage. Tout est don. C’est ainsi que le spectacle vivant trouve sa plus belle expression. Chaque tableau du spectacle est un tour de magie avec un climax où les mots filent mais l’émotion reste. Vous ne cédez jamais à la facilité, ou plutôt avec vous la facilité n’est pas aidée.

Vous aimez les mots quand il éclairent les maux.

Figurez-vous qu’en pleine écriture de cette lettre, ma prose m’à fait une scène de jalousie. Arguant que mes’ rimes pauvres les laissez six pieds sous vers, elles m’ont dit qu’à partir de ce soir elles souhaitent que je fasse des rimes Hirsch, que je devienne un autre Hirsch.

J’ai du leur expliquer que vous êtes unique. Comme vous, en France il n’y en a pas deux et en Europe … 1 .

Voilà votre bail prendra fin bientôt au studio des Champs Elysées, mais … que ce Bye fut good.

Tendrement,

Vous l’aurez compris, il est très difficile de parler d’un spectacle aussi exceptionnel. Ce jeune humoriste est dans la lignée de Raymond Devos, de Pierre Dac et de Desproges. Mais il est surtout et avant tout un artiste singulier. Capable d’imiter à la perfection et aussi à très bien exécuter un classique de la prestidigitation.

La culture, le bonnet d’âne de la démocratie

Réécoutez ▼
17 jours nous séparent du premier tour et pourtant il y a un sujet qui n’est presque jamais évoqué dans cette campagne : la culture.
Mardi soir, j’ai regardé très attentivement le grand débat sur BFMTV et CNews avec les 11 candidats et les sujets abordés étaient pêle-mêle : l’emploi, l’Europe mais un sujet à fait faux bond, à l’instar de la cravate de Philippe Poutou : la culture.
La culture c’est un peu comme la tombe du soldat inconnu sur la place, ou plutôt sous la place de l’Étoile. Elle est au centre, mais on tourne autour. On la regarde distraitement mais le plus souvent on passe à côté. Elle est honorée qu’une fois dans l’année… le 32 février. Dans le débat politique il y a des sujets tabous, des sujets abscons et aussi des sujets absents et la culture en est l’illustration parfaite. Les candidats ont des choses à dire sur ce sujet mais pour en parler ils affirment des phrases toutes faites d’une grande banalité qui paraissent alléchantes au premier abord comme : « démocratiser la culture », « faire de la culture notre socle commun », « ouvrir la culture au plus grand nombre » et j’en passe. Des phrases différentes pour dire la même chose, c’est à dire pas grand chose.
D’où vient cette absence de la culture dans le débat ?
Peut-être parce que justement la culture n’a pas pour vocation première de cliver. Le clivage permet de se démarquer et donc d’exister dans une campagne. Pourtant la culture fait débat.
Est-ce qu’Asselineau peut nous sortir un article de la Constitution Européenne pour nous parler de culture ?
Macron doit il des droits d’auteur à Hollande ? François Hollande étant le président qui aura le plus fait pour l’industrie du livre à force de se livrer lui-même aux journalistes.
On associe parfois un peu trop rapidement la culture à l’éducation. Certes l’éducation permet d’obtenir un certain niveau de culture générale comme de savoir que Picasso n’est pas qu’un modèle de voiture.
Et puis la vraie raison, c’est que le débat est très souvent orienté autour du quotidien, du pouvoir d’achat, et de la sécurité et inexorablement la culture devient un sujet secondaire pour les candidats.
Est-ce que finalement, la culture n’est pas un sujet secondaire ?
Si la culture était secondaire il n’y aurait pas 67 millions de touristes en France tous les ans.
Si la culture était secondaire, Daech n’aurait pas détruit la ville de Palmyre.
Si la culture était secondaire, les nazis n’auraient pas brûlé autant de tableaux de grands maîtres jugés par eux comme de la sous-culture. Je ne vais pas continuer plus loin l’anaphore mais c’est dire que la culture dérange les esprits les plus fermés.
Lionel Jospin disait à très juste titre que la culture est l’âme de la démocratie. J’espère que d’ici là, la démocratie va retrouver son âme.

Critique du spectacle Faustine 

Un spectacle musical sur Sainte Faustine. Mais pourquoi ? En quoi une religieuse polonaise du 20ème siècle mériterait un spectacle musicale qui plus est.
Critique d’un spectacle musical sur une sainte insoumise,moderne et ayant la miséricorde au cœur.

Oui Faustine, est bien une sainte a part. Elle a connu le grand amour dans sa plus tendre enfance, et ce grand amour s’est révélé à elle avec le temps. Ce grand amour c’est la miséricorde et pas importe laquelle, la miséricorde divine. Faustine entendait des voix, elle avait des visions, mais cette voix qui venait du Christ lui demandait une chose particulière : faire une représentation de son amour

Que dire du jeu tout en subtilité, sensibilité de Marie Lussignol ? Vous avez sûrement vu dans 5 minutes de plaisirs, 30 ans d’emmerdes mais là, elle montre à quel point elle peut passer d’un rôle à l’autre. Ce rôle qu’elle attendait a-t-elle confié et qu’elle avait en elle. La force de Marie Lussignol, c’est d’avoir donné un corps, montré une âme et aussi la divinité de Sainte Faustine. Il faut dire qu’elle est accompagnée par cette comédienne absolument hors du commun qu’est Françoise Thuriès. On dit souvent qu’un acteur doit se mettre dans la peau d’un personnage pour incarner un rôle, dans ce spectacle Françoise Thuriès passe dans la peau de 19 personnages à la vitesse de l’éclair en adaptant une voix en étant à la fois la petite sœur juvénile, la mère supérieure quelque peu acariâtre, une psychiatre en mal de vivre, ou encore une sœur complice de Sainte Faustine.

Puis il y a la musique, composé par Daniel Facérias qui joue lui-même un prêtre qui hésite, qui doute et finit par adopter le message qui est le cœur même de l’Évangile : la miséricorde divine.

Pour mettre de si grands acteurs sur scène, il fallait un grand metteur en scène et c’est vrai que dans ces moments-là on se dit que Michael Lonsdale demeure la référence. La mise en scène est sobre, un peu comme un couvent mais elle est riche est belle car elle montre le cœur de ce qu’est un spectacle : le jeu et le texte.

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Par François Régis Salefran

En fait ce qui est remarquable dans ce spectacle c’est trois prouesses. Premièrement, réussir à faire un spectacle populaire sur un sujet qui ne l’est pas forcément car tout à fait entre nous la miséricorde divine n’est pas le sujet qui excite le plus les médias actuellement. Deuxièmement c’est d’arriver à nous rendre Sainte Faustine proche et non pas innateignable. Enfin, même si il reste encore une marge de progression à ce spectacle au niveau musical (certaines chansons sont moins bonnes que d’autres) ce spectacle est aussi une prière. Une prière intime qui est au bout du compte un cœur à cœur entre un enfant et son seigneur

Bon vent à Faustine !

5 minutes de plaisir, 30 ans d’emmerdes

En arrivant dans le théâtre de la Comedie Tour Eiffel, quelle n’est pas ma surprise en voyant jonchés sur le sol des jouets d’enfants. Puis la pièce commence dans une folie/frénésie qui ne s’arrête pas !

En effet, le titre de cette pièce est une immense arnaque puisque nous prenons 1h30 de plaisir pour 0 minute d’emmerdes !
Sacha Guitry disait « j’aime beaucoup les enfants surtout quand ils crient puisqu’on les emmène se coucher. Ce thème, tous les parents le connaissent par cœur. Quand les enfants ne sont pas là … Ils sont au centre de tout. Une occasion de réfléchir sur l’importance du couple qui prime sur les enfants.
Le jeu des deux comediens est physique et le rythme de ce boulevard qui n’a jamais aussi bien porté son nom puisque l’action se passe aussi sur la rue.

Marie Lussignol apporte une touche de sensualité et de sensibilité ! Un rôle qui lui permet de montrer une facette inattendue de son grand talent !

Le public est aussi mis à contribution, et pour être tout à fait honnête j’ai bénis le ciel pendant toutes les pièces de ne pas être au premier rang.

Courez voir cette pièce, pour retrouver votre âme d’enfant !

Critique de « Créanciers » de August Strindberg

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Dans le salon d’un hôtel d’une station balnéaire, deux étrangers discutent à bâtons rompus depuis plusieurs jours. Le plus jeune est un peintre qui s’est disputé avec sa femme et attend, inquiet, son retour; tandis que l’autre, un homme de lettres et d’expérience, est simplement de passage. Au fil du temps et de la conversation, le peintre se livre de plus en plus à son nouvel ami, jusqu’à évoquer ses problèmes les plus intimes…

Si en ce moment vous voulez prendre un peu de hauteur de vue, rendez-vous au théâtre Michel Galabru pour voir Créanciers de August Strindberg par la troupe Lève toi et joue.

Dans cette pièce, tous les sentiments humains croisent le fer. La manipulation se conjugent avec le cynisme et le doute demande des comptes avec l’amour. La liberté est la condition d’un amour vrai et d’un amour sain. Le danger est de mettre l’autre sur un piedestal par lâcheté et ne plus être soi-même. Ce texte écrit en 1888 est universelle et touche tout le monde quel que soit notre situation. Pour parler de ce sujet si intime, il fallait un texte poignant et accessible. C’est le cas.
Pour le servir, il fallait une mise en scène qui serve le texte. Tommy O’Bin parvient à rendre cette situation de vie … vivante. La mise en scène est d’une grande intelligence car elle n’étouffe pas les dialogues. Même si on peut regretter qu’il manque certaines respirations qui permettrait de pouvoir tout intégrer, le rythme est juste. La volonté de mettre en scène dans des décors modernes est très justifiée. La suavité de la musique de Cyril Grapin nous porte dans une athmosphère dramatique et légère… à l’image de cette pièce. On est loin des mise en scène à la Olivier Py, narcissique et méprisant le spectateur. Le théâtre est avant tout de la représentation.

Emmanuel Strauss a un charisme fou, la voix rauque et posée et le regard pénétrant. Il envoute la salle dès sa première replique. Il ne joue pas un manipulateur, il est la manipulation.
Stefan Panaïtesco arrive à mettre des nuances dans son jeu de sculpteur sculpté. C’est pas facile d’être le manipulé, la victime et si au tout début on peut se dire qu’il n’a pas l’age du rôle, cette reflexion ne dure pas longtemps et c’est tout à son mérite. Enfin Noémie Stevens apporte une véritable fraicheur à la pièce et en même temps de la dureté.

Vous l’aurez compris, foncez voir cette pièce où le sujet est universelle et tellement personnelle car en allant voir « Créanciers » vous en aurez pour votre argent …

Créanciers de August Strindberg
Mise en Scène : Tommy O’Bin
Emmanuel Strauss, Stefan Panaïtesco, Noémie Stevens
Musique : Cyril Grapin
1,8,15,22 et 29 octobre 21h30
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Critique de la pièce « Le Père »

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André n’est plus tout jeune. C’est ce qui pousse Anne, sa fille, à lui proposer de s’installer dans le grand appartement qu’elle occupe avec son mari.
Elle croit ainsi pouvoir aider ce père qu’elle a tant aimé et qui la fait toujours rire.
Mais les choses ne se passent tout à fait comme prévu : celui qui pose ses valises chez elle se révèle être un personnage étonnant, haut en couleur, et pas du tout décidé à renoncer à son indépendance… Elle voudrait bien faire, mais découvre qu’elle n’est pas au bout de ses peines… On n’accepte pas si facilement de devenir, un jour, l’enfant de nos enfants.

En arrivant au théâtre Hébertot, quelque chose me disait que j’allais passer une soirée mémorable.
Tout d’abord pour moi aller au théâtre est toujours une joie. J’étais très loin de m’imaginer que ce spectacle allait être aussi marquant. Oui on en ressort différemment de ce spectacle.
Le sujet traité est à la fois délicat mais aussi commun. Le nom de la maladie n’est pas mentionné mais finalement c’est pas nécessaire. Le coup de force de Florian Zeller est de faire des spectateurs, des acteurs de la pièce.

Nous sommes dans la tête d’André qui perd un peu la tête.
Nous nous attachons à Anne, la fille courage qui elle aussi ne sais plus où donner de la tête. Elle qui doit, de part la maladie de son père doit choisir entre l’amour filiale et l’amour conjugale.
Ce qui est remarquable dans cette pièce c’est que nous vivons au rythme d’un vieillard manipulateur pour qui les vivants, les morts, les lieux,  se confondent. Ce vieillard qui s’invente une vie pour ne pas vraiment vivre la sienne.
On pourrait en dire bien des choses sur cette pièce mais le mieux est de la vivre.

Robert Hirsch est un acteur absolument hors du commun. C’est pour moi le plus grand comédien français. Le voir sur scène est un immense privilège. Il donne toutes ses lettres de noblesse au théâtre. Il vit pour le théâtre. Et pourtant sur scène il disparaît tel un magicien et se métamorphose dans son personnage.
Merci Robert Hirsch d’être ce que vous êtes, un trésor national vivant. Les mots me manquent. Seuls les applaudissements restent … 15 rappels le soir où j’ai vu la pièce.

Isabelle Gélinas est plus vrai que nature. Elle ne joue pas un second rôle. Je trouve l’expression un peu péjorative. Bien au contraire, Gélinas est au service de cette pièce comme son personnage est au service de son père.
C’est aussi grâce à elle que la relation père-fille prend vie.

Les autres acteurs sont au diapason. Rien n’est surjoué, singé, caricaturale. Tout est vécu.

Alors cette comédie de notre temps va marquer toutes les générations.

Critique de la pièce « Le journal d’Anne Frank »

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Alors que nous sommes à l’heure de l’information en temps réel, alors que nous pensons que sur certains sujets tout a été dit, il est temps de se replonger dans la grande histoire en passant par la porte de l’annexe pour vivre le journal d’une adolescente hollandaise juive, d’origine allemande. Elle n’avait que 14 ans et n’était titulaire d’aucunes cartes de presse et pourtant son journal est connu dans le monde entier.

La pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt nous donne un regard différent, celui d’un père qui lit le journal de sa fille disparue dans le camps de Bergen Belsen. C’est en tant que père que nous découvrons ce journal. Un père qui a tout fait pour protéger sa famille et d’autres. Au fil de sa lecture nous revivons la captivité qu’ils ont vécue.

Oui nous pouvons le dire, Otto Frank le père de la jeune Anne est un héros, car il a permis à ce journal intime de devenir une parole vivante, universelle qui persiste. Il a permis à la « petite » histoire de grandir la nôtre. Il a surtout permis aux crimes du passé de ne pas avoir le dernier mot.
Par les mots innocents de sa fille, il dénonce les grands maux du passé pour que nous les revivions pas dans le futur.

L’auteur de « L’enfant de Noé », « Monsieur Ibrahim » ou encore « Oscar et la dame en rose » nous permet de voyager dans cette époque sombre tout en y apportant cette légèreté indispensable. Car finalement ce qui est frappant c’est que même reclus dans un lieu sans et eau et sans lumière, ils étaient tous lumineux, parfois joyeux et même amoureux. La guerre n’empêchera jamais l’amour d’exister et de triompher. Comme le dit cette belle chanson napolitaine: « la vie n’est pas le contraire de la mort car elle peut être pire que celle-ci. Le vrai contraire de la mort, c’est donc l’amour. »  Le destin tragique que nous voyons se dérouler sous nos yeux ne se vit pas que dans la tragédie mais dans l’espoir, la colère, le rire, le dépouillement et tout ces sentiments qui habitent les hommes. Car avant d’être déportés, ils ont vécu tant bien que mal. Ce journal est donc une parole vivante et actuelle.
Tant qu’il y aura racisme et dénigrement un livre de ce calibre, ne sera pas inutile. Cette phrase de Victor Hugo s’applique à Anne Frank.
De mon point de vue, ce livre vaut autant sinon plus que tout les livres sociologiques et historiques sur la guerre de 40.

Qu’il est bon de donner la parole à ceux qui vivent plutôt que de magnifier ceux qui tuent.

La mise en scène est impeccable et le jeu des acteurs est juste et formidable. Francis Huster nous bouleverse en incarnant ce personnage si proche de lui de son propre aveu. Il ne joue pas il est comme se plait à dire ma marraine.
La jeune Roxane Duràn apporte toute sa sensibilité et la justesse de son jeu est très prometteur et nous ne demandons qu’a la revoir. Charlotte Kady, avec toute la générosité sur scène qui la caractérise montre encore plus toutes les facettes de son jeu.

Vous l’aurez compris … Courez au théâtre Rive Gauche pour applaudir cette pièce qui n’a pas fini de faire parler d’elle.